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pendant une halte, on apprit que cinquante mille Bavarois venaient se mettre en travers de notre retraite, et qu’ils étaient postés dans de grandes forêts où nous devions passer Cette nouvelle me porta le dernier coup, parce que je ne me sentais plus la force d’avancer, ni d’ajuster, ni de me défendre à la baïonnette, et que toutes mes peines pour venir de si loin étaient perdues. Je fis pourtant encore un effort lorsqu’on nous ordonna de marcher, et j’essayai de me lever. « Allons, Joseph, me disait Zébédé, voyons… du courage !… » Mais je ne pouvais pas, et je me mis à sangloter en criant : « Je ne peux pas ! — Lève-toi, faisait-il. — Je ne peux pas… mon Dieu… je ne peux pas ! » Je me cramponnais à son bras… des larmes coulaient le long de son grand nez… Il essaya de me porter, mais il était aussi trop faible. Alors je le retins en lui criant : « Zébédé, ne m’abandonne pas ! » Le capitaine Vidal s’approcha, et me regardant avec tristesse : « Allons, mon garçon, dit-il, les voitures de l’ambulance vont passer dans une demi-