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remettre en route. Zébédé me regardait d’un air triste, et me disait quelquefois : « Courage, Joseph, courage ! nous reviendrons tout de même au pays » Ces paroles me ranimaient ; je sentais comme un feu me monter à la figure. « Oui, oui, nous reviendrons au pays, disais-je ; il faut que je revoie le pays !… » Et je pleurais. Zébédé portait mon sac ; quand j’étais trop fatigué, il me disait : « Soutiens-toi sur mon bras… Nous approchons chaque jour maintenant, Joseph… Une quinzaine d’étapes, qu’est-ce que c’est ? » Il me remontait le cœur, mais je n’avais plus la force de porter mon fusil, il me paraissait lourd comme du plomb. Je ne pouvais plus manger, et mes genoux tremblaient ; malgré cela, je ne désespérais pas encore, je me disais en moi-même : « Ce n’est rien… Quand tu verras le clocher de Phalsbourg, tes fièvres passeront. Tu auras un bon air, Catherine te soignera… Tout ira bien… vous vous marierez ensemble. » J’en voyais d’autres comme moi qui restaient en route, mais j’étais bien loin de me trouver aussi malade qu’eux. J’avais toujours bonne confiance, lorsqu’à trois lieues de Fulde, sur la route de Salmunster,