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précipitent sans prendre le temps d’ôter leurs sacs. L’idée qu’on avait pu s’en aller, et que maintenant, à la dernière minute, il fallait se faire massacrer, vous rendait fous… J’avais vu bien des cadavres la veille, entraînés par la Partha ; mais alors c’était encore plus terrible ; tous ces malheureux se débattaient avec des cris déchirants, ils s’accrochaient les uns aux autres ; la rivière en était pleine : — on ne voyait que des bras et des têtes grouiller à sa surface. En ce moment, le capitaine Vidal, un homme calme et qui par sa figure et son coup d’œil nous avait retenus dans le devoir, — en ce moment, le capitaine lui-même parut découragé ; il remit son sabre dans le fourreau en riant d’un air étrange, et dit : « Allons… c’est fini !… » Et comme je lui posais la main sur le bras, il me regarda avec une grande douceur : « Que veux-tu, mon enfant ? me demanda-t-il. — Capitaine, lui répondis-je — car cette pensée me revenait alors —, j’ai passé quatre mois à l’hôpital de Leipzig, je me suis baigné dans l’Elster, et je connais un endroit où l’on a pied. — Où cela ? — Â dix minutes au-dessus du pont. » Aussitôt il tira son sabre en criant d’une voix de tonnerre : «