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division, réduite de huit mille hommes à quinze cents, se retirait donc devant plus de cinquante mille ennemis, non sans se retourner et répondre encore au feu des Kaiserlicks. Nous nous rapprochions du pont, avec quelle joie ! je n’ai pas besoin de le dire. Mais il n’était pas facile d’y arriver, car sur toute la longueur de l’avenue, tant d’hommes à pied et à cheval se précipitaient pour passer, arrivant de toutes les rues environnantes, que cette foule ne formait en quelque sorte qu’un seul bloc, où toutes les têtes se touchaient et s’avançaient lentement avec des soupirs et des espèces de cris sourds qu’on entendait d’un quart de lieue malgré la fusillade. Malheur à ceux qui se trouvaient sur le bord du pont ; ils tombaient, et personne n’y faisait attention ! Au milieu, les hommes et même les chevaux étaient portés ; ils n’avaient pas besoin de bouger, ils avançaient tout seuls… — Mais comment arriver là ? L’ennemi faisait des progrès à chaque seconde. On avait bien placé quelques canons sur les deux côtés pour balayer les promenades et en face la rue principale. Il y avait bien encore des troupes en ligne pour repousser les premières attaques ; mais les Prussiens, les Autrichiens et les Russes avaient aussi des canons pour balayer le pont, et ceux qui resteraient