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cinq francs et les posai sur l’établi. Lui me regardait.

« Mais, fit-il, ce n’est pas une montre pour toi, cela, Joseph ; ce qu’il te faut, c’est une grosse montre qui te remplisse bien la poche et qui marque les secondes. Ces petites montres-là, c’est pour les femmes. »

Je ne savais que répondre.

M. Goulden, après avoir rêvé quelques instants, se mit à sourire.

« Ah ! bon, bon, dit-il, maintenant je comprends, c’est demain la fête de Catherine ! Voilà donc pourquoi tu travaillais jour et nuit ! Tiens, reprends cet argent, je n’en veux pas. »

J’étais tout confus.

« Monsieur Goulden, je vous remercie bien, lui dis-je, mais cette montre est pour Catherine, et je suis content de l’avoir gagnée. Vous me feriez de la peine si vous refusiez l’argent ; j’aimerais autant laisser la montre. »

Il ne dit plus rien et prit les trente-cinq francs ; puis il ouvrit son tiroir et choisit une belle chaîne d’acier, avec deux petites clefs en argent doré qu’il mit à la montre. Après quoi lui-même enferma le tout dans une boîte avec une faveur rose. Il fit cela lentement, comme attendri ; enfin, il me donna la boîte.

« C’est un joli cadeau, Joseph, dit-il ; Catherine