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d’artilleurs à cheval et de soldats du train qui s’éloignaient là-bas comme des fourmis, et les grands bonnets à poil de la vieille garde, immobiles de l’autre côté de la rivière sur la colline de Lindenau, l’arme au bras. — Zébédé, qui pensait la même chose, me dit : « Hein ! Joseph, si nous étions à leur place ! » Aussi, vers sept heures, lorsque nous vîmes s’approcher trois fourgons pour nous distribuer des cartouches et du pain, cela me parut bien amer. Il était clair maintenant que nous serions à l’arrière-garde, et, malgré la faim, j’aurais voulu jeter mon pain contre un mur. Quelques instants après, passèrent deux escadrons de lanciers polonais qui remontaient la rivière ; puis derrière ces lanciers cinq ou six généraux, et dans le nombre Poniatowski. C’était un homme de cinquante ans, assez grand, mince et l’air triste. Il passa sans nous regarder. Le général Fournier se détacha de son état-major en nous criant : « Par file à gauche ! » Je n’ai jamais eu de crève-cœur pareil, j’aurais donné ma vie pour deux liards ; mais il fallait bien emboîter le pas et tourner le dos au pont. Au bout des promenades, nous arrivâmes à un endroit appelé Hinterthôr, c’est une vieille porte