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pays après la bataille. Les Français ont ri de la reconnaissance des Prussiens, des Autrichiens et des Russes. Depuis ce moment jusqu’au soir, ce n’était plus une guerre humaine qu’on se faisait, c’était une guerre de vengeance. Le nombre devait nous écraser, mais les alliés devaient payer chèrement leur victoire. Â la nuit tombante, pendant que deux mille pièces de canon tonnaient ensemble, nous recevions notre septième attaque dans Schoenfeld : d’un côté les Russes et de l’autre les Prussiens nous refoulaient dans ce grand village. Nous tenions dans chaque maison, dans chaque ruelle ; les murs tombaient sous les boulets, les toits s’affaissaient. On ne criait plus comme au commencement de la bataille ; on était froid et pâle à force de rage. Les officiers avaient ramassé des fusils et remis la vieille giberne ; ils déchiraient la cartouche comme le soldat. Après les maisons, on défendit les jardins et le cimetière où j’avais couché la veille ; il y avait alors plus de morts dessus que dessous terre. Ceux qui tombaient ne se plaignaient pas ; ceux qui restaient se réunissaient derrière un mur, un tas de décombres, une tombe. Chaque pouce de terrain coûtait la vie à quelqu’un. Il faisait