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au centre de notre ligne —, venaient de passer à l’ennemi, et que, même avant d’arriver à distance, ils avaient eu l’infamie de tourner les quarante pièces de canon qu’ils emmenaient avec eux contre leurs anciens frères d’armes de la division Durutte. Cette trahison, au lieu de nous abattre, augmenta tellement notre fureur que, si l’on nous avait écoutés, nous aurions traversé la rivière pour tout exterminer. Ces Saxons-là disent qu’ils défendaient leur patrie ; eh bien, c’est faux. Ils n’avaient qu’à nous quitter sur la route de Duben ; qui les en empêchait ? Ils n’avaient qu’à faire comme les Bavarois et se déclarer avant la bataille. Ils pouvaient rester neutres, ils pouvaient aussi refuser le service ; mais ils nous trahissaient parce que la chance tournait contre nous. S’ils avaient vu que nous allions gagner, ils auraient toujours été nos bons amis pour avoir leur part, comme après Iéna et Friedland. Voilà ce que chacun pensait, et voilà pourquoi ces Saxons seront des traîtres dans les siècles des siècles. Non seulement ils abandonnèrent leurs amis dans le malheur, mais ils les assassinèrent pour se faire bien venir des autres. Dieu est juste : leurs nouveaux alliés eurent un tel mépris d’eux qu’ils partagèrent la moitié de leur