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d’autres pensaient la même chose sans rien dire ; l’inquiétude vous gagnait… Nous trouvâmes le régiment au bivouac, à deux portées de fusil de Kohlgarten. Le bataillon prit sa position à droite de la route, sur une colline. Dans toutes les directions, on voyait les feux innombrables des armées dérouler leur fumée dans le ciel. Il tombait toujours de la bruine, et les hommes assis sur leurs sacs en face des petits feux, les bras croisés, semblaient tout rêveurs. Les officiers se réunissaient entre eux. On entendait répéter de tous les côtés qu’on n’avait jamais vu de guerre pareille… que c’était une guerre d’extermination… que cela ne faisait rien à l’ennemi d’être battu, et qu’il voulait seulement nous tuer du monde, sachant bien qu’à la fin il lui resterait quatre ou cinq fois plus d’hommes qu’à nous, et qu’il serait le maître. On disait que l’Empereur avait gagné la bataille à Wachau contre les Autrichiens et les Russes ; mais que cela ne servait à rien, puisque les autres ne s’en allaient pas et qu’ils attendaient des masses de renforts. Du côté de Mockern, on savait que nous avions perdu, malgré la belle défense de Marmont : l’ennemi nous avait écrasés sous le nombre. Nous n’avions