Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/295

Cette page n’a pas encore été corrigée

Va, ne crains rien, tu as ton compte ! » Personne n’avait envie de l’achever ; seulement Klipfel prit une belle pipe qui sortait de sa poche de derrière, en disant : « Depuis longtemps je voulais avoir une pipe, en voilà pourtant une ! — Fusilier Klipfel, s’écria Pinto vraiment indigné, voulez-vous bien remettre cette pipe ! C’est bon pour les Cosaques de dépouiller les blessés ! Le soldat français ne connaît que l’honneur ! » Klipfel jeta la pipe, et finalement nous repartîmes de là sans tourner la tête. Nous arrivâmes au bout de cette petite forêt, qui s’arrêtait aux trois quarts de la côte ; des broussailles assez touffues s’étendaient encore à deux cents pas jusqu’au haut. Les Prussiens que nous avions poursuivis se trouvaient cachés là-dedans. On les voyait se relever de tous les côtés pour tirer sur nous, puis aussitôt après ils se baissaient. Nous aurions bien pu rester là tranquillement ; puis nous avions l’ordre d’occuper le bois, ces broussailles ne nous regardaient pas ; derrière les arbres où nous étions, les coups de fusil des Prussiens ne nous auraient pas fait de mal. Nous entendions de l’autre côté de la côte une bataille terrible, les coups de canon se suivaient