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 Qu’est-ce qu’elle dira ? » Tantôt je me figurais qu’elle s’écriait : « O Joseph, à quoi penses-tu donc ? C’est bien trop beau pour moi… Non… non… je ne peux pas recevoir une si belle montre ! » Alors je la forçais de la prendre, je la glissais dans la poche de son tablier en disant : « Allons donc, Catherine, allons donc… Est-ce que tu veux me faire de la peine ? » Je voyais bien qu’elle la désirait, et qu’elle me disait cela pour avoir l’air de la refuser. Tantôt je me représentais sa figure toute rouge ; elle levait les mains en disant : « Seigneur Dieu ! maintenant, Joseph, je vois bien que tu m’aimes ? » Et elle m’embrassait, les larmes aux yeux. J’étais bien content. La tante Grédel approuvait tout. Enfin, mille et mille idées pareilles me passaient par la tête, et le soir, en me couchant, je pensais : « Il n’y a pourtant pas d’homme aussi heureux que toi, Joseph ! Voilà maintenant que tu peux faire un cadeau rare à Catherine par ton travail. Et sûrement qu’elle prépare aussi quelque chose pour ta fête, car elle ne pense qu’à toi ; vous êtes tous les deux très heureux, et quand vous serez mariés, tout ira bien. » Ces pensées m’attendrissaient ; jamais je n’avais éprouvé d’aussi grande satisfaction.

Pendant que je travaillais de la sorte, ne songeant qu’à ma joie, l’hiver arriva plus tôt que