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de Saint-Nicolas et de Saint-Thomas de Leipzig dans le ciel, tandis qu’à droite et à gauche, des deux côtés de la ville, s’élevaient de grands nuages de fumée où passaient des éclairs. Le bourdonnement augmentait toujours ; nous étions encore à plus d’une lieue de la ville qu’on était forcé de parler haut pour s’entendre, et l’on se regardait tout pâles comme pour dire : « Voilà ce qui s’appelle une bataille ! » Le sergent Pinto criait : « C’est plus fort qu’à Eylau ! » Il ne riait pas, ni Zébédé, ni moi, ni les autres ; mais nous galopions tout de même, et les officiers répétaient sans cesse : « En avant ! en avant ! » Voilà pourtant comme les hommes perdent la tête ; l’amour de la patrie était bien en nous, mais plus encore la fureur de nous battre. Sur les onze heures, nous découvrîmes le champ de bataille, à une lieue en avant de Leipzig. Nous voyions aussi les clochers de la ville couverts de monde, et les vieux remparts sur lesquels je m’étais promené tant de fois en pensant à Catherine. En face de nous, à 1.200 ou 1.500 mètres, étaient rangés deux régiments de lanciers rouges, et un peu à gauche, deux ou trois régiments de chasseurs à cheval, dans les