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pensais : « Si nous avons une bataille, pourvu qu’il ne t’arrive pas d’attraper un mauvais coup comme à Lutzen, et que tu puisses encore revoir Catherine ! » La nuit suivante, le temps s’étant un peu remis, des milliards d’étoiles éclairaient le ciel, et nous allions toujours. Le lendemain, vers dix heures, près d’un petit village dont je ne me rappelle pas le nom, on venait de crier : « Halte ! » pour respirer, lorsque nous entendîmes tous ensemble comme un grand bourdonnement dans l’air. Le colonel, encore à cheval, écoutait, et le sergent Pinto dit : « La bataille est commencée. » Presque au même instant le colonel, levant son épée, cria : « En avant ! » Alors on se mit à courir : les sacs, les gibernes, les fusils, la boue, tout sautait ; on ne faisait attention à rien. Une demi-heure après, nous aperçûmes, à quelque mille pas devant le bataillon, une queue de colonne qui n’en finissait plus : des caissons, des canons, de l’infanterie, de la cavalerie ; derrière nous, sur la route de Duben, il en venait d’autres, et tout cela galopait ! Même à travers champs, des régiments entiers arrivaient au pas de course. Tout au bout de la route, on voyait les deux clochers