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pouvoir supporter les misères que toutes ces fautes et ces injustices nous annonçaient de loin. Nous étions alors entre trois armées, qui voulaient se réunir pour nous écraser d’un coup : celle du Nord commandée par Bernadotte, celle de Silésie commandée par Blücher, et l’année de Bohême commandée par Schwarzenberg. On croyait, tantôt que nous allions passer l’Elbe, pour tomber sur les Prussiens et les Suédois, tantôt que nous allions courir sur les Autrichiens, du côté des montagnes, comme nous avions fait cinquante fois en Italie et ailleurs. Mais les autres avaient fini par comprendre ce mouvement, et quand nous avions l’air d’approcher, ils s’en allaient plus loin. Ils se défiaient surtout de l’Empereur, qui ne pouvait être à la fois en Bohême et en Silésie, et cela faisait des marches et des contremarches abominables. Tout ce que demandaient les soldats, c’était de se battre, car, à force de marcher et de dormir dans la boue, à force d’être à la demi-ration et rongés par la vermine, ils avaient pris la vie en horreur. Chacun pensait : « Pourvu que cela finisse d’une façon ou d’une autre… C’est trop fort… cela ne peut pas durer ! » Moi-même, au bout de quelques jours, j’étais las