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que le maréchal Oudinot et le maréchal Ney avaient aussi été battus, l’un à Gross-Beeren et l’autre à Dennewitz. C’était quelque chose de bien triste ; car, dans ces retraites, les conscrits mouraient d’épuisement, de maladie et de toutes les misères. Les vieux d’Espagne et les anciens d’Allemagne, tannés par le mauvais temps, pouvaient seuls résister à ces grandes fatigues. « Enfin, me dit Zébédé, nous avons tout contre nous : le pays, les pluies continuelles et nos propres généraux, las de tout cela. Les uns sont ducs, princes et s’ennuient d’être toujours dans la boue, au lieu de s’asseoir dans de bons fauteuils ; et les autres, comme Vandamme, veulent se dépêcher de devenir maréchal, en faisant un grand coup. Nous autres, pauvres diables, qui n’avons rien à gagner que d’être estropiés pour le restant de nos jours, et qui sommes les fils des paysans et des ouvriers qui se sont battus pour abolir la noblesse, il faut que nous périssions pour en faire une nouvelle ! » Je vis alors que les plus pauvres, les plus malheureux ne sont pas toujours les plus bêtes, et qu’à force de souffrir on finit par voir la triste vérité. Mais je ne dis rien, et je suppliai le Seigneur de me donner la force et le courage de