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une espèce d’entonnoir, à cause de son ardeur extraordinaire, et que ceux que nous avions battus la veille étaient tombés sur lui à droite, à gauche, en avant et en arrière ; qu’on l’avait pris, avec plusieurs autres généraux, et détruit son corps d’armée. Deux jours avant, le 26 août, pareille chose était arrivée à notre division, ainsi qu’aux 5ème, 6ème et 11ème corps sur les hauteurs de Lowenberg. Nous devions écraser les Prussiens de ce côté, mais par un faux mouvement du maréchal Mac Donald, l’ennemi nous avait surpris dans le creux d’un ravin, avec nos canons embourbés, notre cavalerie en désordre et notre infanterie qui ne pouvait plus tirer à cause de la pluie battante ; on s’était défendu à coups de baïonnette ; et le 3ème bataillon était arrivé, sous les charges de ces Prussiens, jusque dans la rivière de la Kaltzbach. Là, Zébédé avait reçu d’un grenadier deux coups de crosse sur le front. Le courant l’avait entraîné pendant qu’il tenait à bras-le-corps le capitaine Arnould ; et tous deux étaient perdus, si par bonheur le capitaine, dans la nuit noire, n’avait pu saisir une branche d’arbre à l’autre bord et se retirer de l’eau. — Il me dit que toute cette nuit, malgré le sang qui lui sortait du nez et des oreilles, il avait marché jusqu’au village de Goldberg, mourant de faim, de fatigue