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Joseph, viens donc manger à notre marmite. Les camarades sont toujours les camarades, que diable ! — C’est bon ! c’est bon ! répondit Zébédé ; pour moi, les meilleurs camarades sont les cervelas ; on les retrouve toujours à l’occasion. » Puis il referma lui-même mon sac et me dit : « Garde ça, Joseph… Voilà plus d’un mois que je ne m’étais pas si bien régalé. Tu n’y perdras rien, sois tranquille. » Une demi-heure après, on battit le rappel ; les tirailleurs se replièrent, et le sergent Pinto, qui se trouvait dans le nombre, me reconnut : « Eh bien, me dit-il, vous en êtes donc réchappé ! Cela me fait plaisir.. Mais vous arrivez dans un vilain moment ! — Mauvaise guerre… mauvaise guerre », faisait-il en hochant la tête. Le colonel et les commandants montèrent à cheval, et l’on se remit en route. Les Cosaques s’éloignaient. Nous allions l’arme à volonté. Zébédé marchait près de moi, et me racontait ce qui s’était passé depuis Lutzen : — d’abord les grandes victoires de Bautzen et de Wurtschen ; les marches forcées pour rejoindre l’ennemi qui battait en retraite ; la joie qu’on avait de pousser sur Berlin. Ensuite l’armistice, pendant lequel on était cantonné dans les bourgades ;