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autre soldat, assis près de la marmite voisine, tourna la tête et dit : « C’est toi, Joseph ? Tiens ! tu n’es pas mort ? » Et voilà tous les compliments que je reçus. La misère avait rendu ces gens tellement égoïstes, qu’ils ne pensaient plus qu’à leur peau. Malgré cela, Zébédé conservait toujours un bon fond ; il me dit de m’asseoir près de la marmite, en lançant aux autres un de ces coups d’œil qui le faisaient respecter, et m’offrit sa cuiller, qu’il avait passée dans une boutonnière de sa capote. Mais je le remerciai, ayant eu la veille le bon esprit d’entrer chez le charcutier de Riza et de mettre dans mon sac une douzaine de cervelas, avec une bonne croûte de pain et un flacon plein d’eau-de-vie. J’ouvris donc mon sac, je tirai le chapelet de cervelas et j’en remis deux à Zébédé, ce qui lui fit venir les larmes aux yeux. J’avais aussi l’intention d’en offrir aux camarades ; mais, devinant ma pensée, il me posa la main d’un bras expressif, et dit : « Ce qui est bon à manger est bon à garder ! » Alors il se retira du cercle, et nous mangeâmes en buvant du schnaps ; les autres ne disaient rien et nous regardaient de travers. Klipfel, ayant senti l’odeur de l’ail, tourna la tête en s’écriant : « Hé !