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Il nous regardait venir en fronçant le sourcil, et quand je lui présentai ma feuille de route, il ne dit qu’un mot : « Allez rejoindre votre compagnie. » Je m’éloignai, pensant bien reconnaître quelques hommes de la 4ème ; mais depuis Lutzen les compagnies avaient été fondues dans les compagnies, les régiments dans les régiments et les divisions dans les divisions, de sorte qu’en arrivant au pied de la côte où campaient les grenadiers, je ne reconnus personne. Les hommes, en me voyant approcher, me jetaient un coup d’œil de travers, comme pour dire : « Est-ce que celui-là veut sa part du bouillon ? Un instant ! nous allons voir ce qu’il apporte à la marmite. » J’étais honteux de demander la place de ma compagnie, lorsqu’une espèce de vétéran osseux, le nez long et crochu comme un bec d’aigle, les épaules larges où pendait sa vieille capote usée, relevant la tête et m’observant, dit d’une voix tout à fait calme : « Tiens ! c’est toi, Joseph ! Je te croyais enterré depuis quatre mois ! » Alors je reconnus mon pauvre Zébédé. Il paraît que ma figure l’attendrit, car, sans se lever, il me serra la main, en s’écriant : « Klipfel… voici Joseph ! » Un