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Tu as été blessé ? — Oui, l’ancien, à Lutzen. — Quatre mois d’hôpital, fit-il en allongeant la lèvre, quelle chance ! Moi, j’arrive d’Espagne. Je m’étais flatté de retrouver les Kaiserlicks de 1807… des moutons… de vrais moutons. Ah ! oui, ils sont devenus pires que les guérillas. Ca se gâte, ça se gâte ! » Il se parlait ainsi tout bas, sans faire attention à moi, et tirait les deux ficelles comme un cordonnier, en serrant les lèvres. De temps en temps, il essayait le soulier pour voir si la couture ne le gênerait pas. Finalement, il mit l’alêne dans son sac, le soulier à son pied, et s’étendit l’oreille sur une botte de paille. J’étais tellement fatigué que j’avais de la peine à m’endormir ; pourtant, au bout d’une heure, je tombai dans un profond sommeil. Le lendemain, je me remis en route avec le fourrier Poitevin et trois autres soldats de la division Souham. Nous gagnâmes d’abord la route qui longe l’Elbe. Le temps était humide ; le vent, qui balayait le fleuve, jetait de l’écume jusque sur la chaussée. Nous allongions le pas depuis une heure, quand tout à coup le fourrier dit : « Attention ! » Il s’était arrêté le nez en l’air, comme un chien de chasse qui flaire quelque chose. Nous écoutions