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son manteau, nous demanda d’où nous venions, où nous allions, si nous avions rencontré quelque parti de Cosaques en route. Le fourrier répondit pour nous tous. L’officier nous prévint alors que la division Souham avait quitté les environs de Gauernitz le matin, et nous dit de le suivre pour voir nos feuilles de route, ce que nous fîmes en silence, passant autour des feux de bivac, où les hommes, couverts de boue sèche, dormaient par vingtaines : pas un ne remuait. Nous arrivâmes au hangar. C’était une vieille briqueterie ; le toit très large, en forme d’éteignoir, reposait sur des piliers à six ou sept pieds du sol. Derrière s’élevaient de grandes provisions de bois. Il faisait bon là-dedans. On avait allumé du feu ; l’odeur de la terre cuite s’étendait aux environs. La chambre du four était encombrée de soldats qui dormaient le dos au mur comme des bienheureux ; la flamme les éclairait sous les poutres sombres. Près des piliers brillaient les fusils en faisceaux. Je crois revoir ces choses : je sens la bonne chaleur qui entre dans le corps ; je vois mes camarades, dont les habits fument à quelques pas du four et qui attendent gravement que l’officier ait fini de lire les feuilles de route à la lumière rouge. Un vieux soldat, sec et brun, veillait seul ;