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portes, et puis nous nous embrassâmes tout attendris. Moi je restai, mon bras était encore trop faible. Nous n’étions plus que cinq ou six cents, parmi lesquels un certain nombre de maîtres d’armes, de professeurs de danse et d’élégance française, de ces gaillards qui forment en quelque sorte le fond de tous les dépôts. Je ne tenais pas à les connaître, et mon unique consolation était de songer à Catherine, et quelquefois à mes vieux camarades Klipfel et Zébédé, dont je ne recevais aucune nouvelle. C’était une existence bien triste ; les gens nous regardaient d’un oeil mauvais ; ils n’osaient rien dire, sachant que l’armée française se trouvait à quatre journées de marche, et Blücher et Schwarzenberg beaucoup plus loin. Sans cela, comme ils nous auraient pris à la gorge ! Un soir, le bruit courut que nous venions de remporter une grande victoire à Dresde. Ce fut une consternation générale, les habitants ne sortaient plus de chez eux. J’allais lire la gazette à l’auberge de la Grappe, dans la rue de Tilly. Les journaux français restaient tous sur la table ; personne ne les ouvrait que moi. Mais la semaine suivante, au commencement de septembre, je vis le même changement sur les