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plus sanglante des batailles et que des régiments entiers disparaîtraient dans ces eaux qui nous réjouissaient alors les yeux, je crois que cette vue nous aurait rendus bien tristes. D’autres fois nous remontions la rive de la Pleisse jusqu’à Mark-Kléeberg. Cela faisait plus d’une lieue, et partout la plaine était couverte de moissons que l’on se dépêchait de rentrer. Les gens, sur leurs grandes voitures, semblaient ne pas nous voir ; quand nous leur demandions un renseignement, ils avaient l’air de ne pas nous comprendre. Zimmer voulait toujours se fâcher ; je le retenais en lui disant que ces gueux ne cherchaient qu’un prétexte pour nous tomber dessus, et que d’ailleurs nous avions l’ordre de ménager les populations. « C’est bon ! faisait-il ; si la guerre se promène par ici… gare ! Nous les avons comblés de biens… et voilà comme ils nous reçoivent. » Mais ce qui montre encore mieux la malveillance du monde à notre égard, c’est ce qui nous arriva le lendemain du jour où finit l’armistice. Ce jour-là, vers onze heures, nous voulions nous baigner dans l’Elster. Nous avions déjà jeté nos habits, lorsque Zimmer, voyant approcher un paysan sur la route de Connewitz, lui cria : « Hé ! camarade, il n’y a pas de danger, ici ? —