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le jeu du chat et du rat. C’est un piquet planté dans la terre, auquel se trouvent attachées deux cordes ; le rat tient l’une de ces cordes et le chat l’autre. Ils ont les yeux bandés ; le chat est armé d’une trique, et tâche de rencontrer le rat, qui dresse l’oreille et l’évite tant qu’il peut. Ils tournent ainsi sur la pointe des pieds, et donnent le spectacle de leur finesse à toute la compagnie. Zimmer me disait qu’autrefois les bons Allemands venaient voir ce spectacle en foule, et qu’on les entendait rire d’une demi-lieue, lorsque le chat touchait le rat avec sa trique. Mais les temps étaient bien changés ; le monde passait sans même tourner la tête : nous perdions nos peines à vouloir l’intéresser en notre faveur. Durant les six semaines que nous restâmes à Rosenthâl, Zimmer et moi, nous fîmes souvent le tour de la ville pour nous désennuyer. Nous sortions par le faubourg de Randstatt, et nous poussions jusqu’à Lindenau, sur la route de Lutzen. Ce n’étaient que ponts, marais, petites îles boisées à perte de vue. Là-bas, nous mangions une omelette au lard, au bouchon de la Carpe, et nous l’arrosions d’une bouteille de vin blanc. On ne nous donnait plus rien à crédit, comme après Iéna ; je crois qu’au contraire l’