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le marteau du tonnelier. La bonne odeur de la jeune bière de mars remplissait l’air, et Zimmer, les yeux levés sur les toits, la face épanouie de satisfaction, s’écria : « Oui, c’est bien ici que nous venions, le grand Ferré, servant de gauche, le gros Roussillon et moi. Dieu du ciel, comme je me réjouis de revoir tout ça, Joséphel ! C’est qu’il y a pourtant six ans depuis. Ce pauvre Roussillon, il a laissé ses os l’année dernière à Smolensk, et le grand Ferré doit être maintenant dans son village, près de Toul, car il a eu la jambe gauche emportée à Wagram. Comme tout vous revient, quand on y pense ! » En même temps il poussa la porte, et nous entrâmes dans une haute salle pleine de fumée. Il me fallut un instant pour voir, à travers ce nuage gris, une longue file de tables entourées de buveurs la plupart en redingote courte et petite casquette, et les autres en uniforme saxon. C’étaient des étudiants, des jeunes gens de famille, qui viennent à Leipzig étudier le droit, la médecine, et tout ce qu’on peut apprendre, en vidant des chopes et en menant une vie joyeuse qu’ils appellent dans leur langue le Fuchscommerce. Ils se battent souvent entre eux avec des espèces de lattes rondes par le bout, et seulement aiguisées de quelques lignes ;