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coin obscur où l’on jetait les pots cassés, un endroit couvert d’ombre et qui me plaisait le mieux, parce que les malades n’y venaient jamais. C’est là que je passais mon temps à rêver sur un vieux banc moisi. Des idées mauvaises me traversaient la tête; j’allais jusqu’à croire que Catherine pouvait oublier ses promesses, et je m’écriais en moi-même : « Ah ! si seulement tu ne t’étais pas relevé de Kaya ! tout serait fini !... Pourquoi ne t’a-t-on pas abandonné ! Cela vaudrait mieux que de tant souffrir. » Les choses en étaient venues au point que je désirais ne pas guérir, quand, un matin, le vaguemestre, parmi les autres noms, appela Joseph Bertha. Alors je levai la main sans pouvoir parler, et l’on me remit une grosse lettre carrée, couverte de timbres innombrables. Je reconnus l’écriture de M. Goulden, ce qui me rendit tout pâle. « Eh bien, me dit Zimmer en riant, à la fin cela vient tout de même. » Je ne lui répondis pas, et m’étant habillé, je fourrai la lettre dans ma poche, et je descendis pour la lire seul, tout au fond du jardin, à la place où j’allais toujours. D’abord, en l’ouvrant, je vis deux ou trois petites fleurs de pommier, que je pris dans mes mains,