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une table, et je passe la jambe à travers une fenêtre sur la place, où je bats en retraite. « Mais j’étais à peine rentré chez ma mère que la gendarmerie arrive et qu’on m’arrête par ordre supérieur. On m’attache sur une charrette, et l’on me reconduit de brigade en brigade au régiment, qui se trouvait à Strasbourg. Je reste six semaines à la Finkmalt, et j’aurais peut-être eu du boulet si nous n’avions alors passé le Rhin pour aller à Hohenlinden. Le commandant Courtaud lui-même me dit : « Tu peux te vanter d’avoir de la chance d’être bon pointeur; mais s’il t’arrive encore d’assommer les gens avec une cruche, cela tournera mal, je t’en préviens. Est-ce que c’est une manière de se battre, animal ? Pourquoi donc avons-nous un sabre, si ce n’est pas pour nous en servir et nous en faire honneur au pays ? » Je n’avais rien à répondre. « Depuis ce temps-là, Joséphel, le goût du mariage m’est passé. Ne me parle pas d’un soldat qui pense à sa femme, c’est une véritable misère. Regarde les généraux qui se sont mariés, est-ce qu’ils se battent comme dans le temps ? Non, ils n’ont qu’une idée, c’est de grossir leur magot et principalement d’en profiter en vivant bien avec leurs duchesses et leurs petits ducs au coin du feu. Mon grand-père