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marier avec une fille de notre village, qui s’appelait Margrédel, et que j’aimais comme les yeux de ma tête. Nous nous étions fait des promesses, et, pendant toute la campagne de Zurich, je ne passais pas un jour sans penser à Margrédel. « Mais voilà qu’à mon premier congé j’arrive au pays, et qu’est-ce que j’apprends ? Qu’elle s’est mariée depuis trois mois avec un cordonnier de chez nous, nommé Passauf. « Tu peux te figurer ma colère, Joséphel; je ne voyais plus clair, je voulais tout démolir; et, comme on me dit que Passauf était à la brasserie du Grand-Cerf, je vais là sans regarder à droite ni à gauche. En arrivant, je le reconnais au bout de la table, près d’une fenêtre de la cour, contre la pompe. Il riait avec trois ou quatre autres mauvais gueux, en buvant des chopes. Je m’approche, et lui se met à crier : « Tiens, tiens, voici Christian Zimmer ! Comment ça va-t-il, Christian ? j’ai des compliments pour toi de Margrédel ! » Il clignait de l’oeil. Moi, j’empoigne aussitôt une cruche, que je lui casse sur l’oreille gauche en disant : « Va lui porter ça de ma part, Passauf; c’est mon cadeau de noces. » Naturellement, tous les autres tombèrent sur mon dos, j’en assomme encore deux ou trois avec un broc; je monte sur