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Comme on venait d’étendre sur la table une espèce de carabinier russe de six pieds au moins, le cou percé d’une balle près de l’oreille, et que le chirurgien demandait les petits couteaux pour lui faire quelque chose, un autre chirurgien passa devant le hangar, un chirurgien de cavalerie, gros, court et tout grêle. Il tenait un portefeuille sous le bras, et s’arrêta près de la voiture.

« Hé ! Forel ! cria-t-il d’un ton joyeux.

— Tiens, c’est vous, Duchêne ? répondit le nôtre en se retournant. Combien de blessés ?

— Dix-sept à dix-huit mille.

— Diable ! Eh bien, ça va-t-il ce matin ?

— Mais oui ; je suis en train de chercher un bouchon. »

Notre chirurgien sortit du hangar pour serrer la main à son camarade ; ils se mirent à causer tranquillement, pendant que les aides buvaient un coup de vin, et que le Russe roulait les yeux d’un air désespéré.

« Tenez, Duchêne, vous n’avez qu’à descendre la rue… en face de ce puits… vous voyez ?

— Très bien.

— Juste en face, vous trouverez la cantine.

— Ah ! bon… merci ! Je me sauve ! »

L’autre alors partit, et le nôtre lui cria :