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au hasard, s’arrêtant ici… là… et je voyais alors des formes noires se pencher autour ; ce n’étaient que des ombres confuses, mais d’autres que moi voyaient aussi cette lumière, car de tous côtés des soupirs s’élevaient dans la nuit… des cris plaintifs, des voix si faibles, qu’on aurait dit des petits enfants qui appellent leur mère !

Mon Dieu, qu’est-ce que la vie ? De quoi donc est-elle faite pour qu’on y attache un si grand prix ?

Ce misérable souffle qui nous fait tant pleurer, tant souffrir, pourquoi donc craignons-nous de le perdre plus que tout au monde ? Que nous est-il donc réservé plus tard, puisqu’à la moindre crainte de mort tout frémit en nous ?

Qui sait cela ? Tous les hommes en parlent depuis des siècles et des siècles, tous y pensent et personne ne peut le dire.

Moi, dans mon ardeur de vivre, je regardais cette lueur, comme un malheureux qui se noie regarde le rivage… je me cramponnais pour la voir, et mon cœur grelottait d’espérance. Je voulais crier, ma voix n’allait pas plus loin que mes lèvres ; le bruissement de la pluie dans les arbres et sur les toits couvrait tout, et malgré cela je me disais : « Ils m’entendent… ils viennent !… »