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malheureux étendus sur le champ de bataille avaient leur père et mère ; je me représentais cela comme une abomination, comme un grand cri du genre humain qui monte au ciel.

C’est alors que je me rappelai ces pauvres femmes de Phalsbourg, qui priaient dans l’église à la grande retraite de Russie, et que je compris ce qui se passait dans leur âme !… Je pensais que Catherine irait bientôt là ; qu’elle prierait des années et des années en songeant à moi… Oui, je pensais cela, car je savais que nous nous aimions depuis notre enfance, et qu’elle ne pourrait jamais m’oublier. Mon attendrissement était si grand, qu’une larme suivait l’autre sur mes joues ; et cela me faisait pourtant du bien d’avoir cette confiance en elle et d’être sûr qu’elle conserverait son amour jusque dans la vieillesse, qu’elle m’aurait toujours devant les yeux, et qu’elle n’en prendrait pas un autre.

La rosée s’était mise à tomber vers le matin. Ce grand bruit monotone sur les toits, dans le jardin et la ruelle remplissait le silence. Je songeais à Dieu, qui depuis le commencement des temps fait les mêmes choses, et dont la puissance est sans bornes ; qui pardonne les fautes, parce qu’il est bon, et j’espérais qu’il me pardonnerait,