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hache sur l’épaule, et qui me prenait dans ses larges mains en m’embrassant, — toutes ces choses me revinrent comme un rêve !

Je pensais : « Ah ! pauvre femme… pauvre père !… si vous aviez su que vous éleviez votre enfant avec tant d’amour et de peines, pour qu’il pérît un jour misérablement, seul, loin de tout secours !… quelles n’auraient pas été votre désolation et vos malédictions contre ceux qui l’ont réduit à cet état !… Ah ! si vous étiez là !… si je pouvais seulement vous demander pardon des peines que je vous ai données ! »

Et, songeant à cela, les larmes me couvraient la figure, ma poitrine se gonflait ; longtemps je sanglotai tout bas en moi-même.

La pensée de Catherine, de la tante Grédel, du bon M. Goulden, me vint aussi bientôt, et ce fut quelque chose d’épouvantable ! c’était comme un spectacle qui se passe sous vos yeux : je voyais leur étonnement et leurs craintes en apprenant la grande bataille, la tante Grédel qui courait tous les jours sur la route pour aller voir à la poste ; pendant que Catherine l’attendait en priant ; et M. Goulden, seul dans sa chambre, qui lisait dans la gazette que le 3e corps avait plus donné que les autres : il se promenait la tête penchée et s’asseyait bien tard à