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et les soldats, pour sortir de la mêlée, emportaient des officiers blessés sur leurs fusils en brancards. Enfin ça prenait une mauvaise tournure.

J’entrai dans Kaya sur la droite du village, en enjambant des haies et sautant par-dessus de petites palissades que les gens mettent pour séparer les jardins.

J’allais tourner le coin d’un hangar, lorsque, levant la tête, j’aperçus une cinquantaine d’officiers à cheval arrêtés au haut d’une colline en face ; plus loin, derrière eux, des masses d’artillerie accouraient ventre à terre sur la route de Leipzig. Cela me fit regarder, et je reconnus l’Empereur, un peu en avant des autres ; il était assis, comme dans un fauteuil, sur son cheval blanc. Je le voyais très bien sous le ciel pâle ; il ne bougeait pas et regardait la bataille au-dessous avec sa lunette.

Cette vue me rendit si joyeux que je me mis à crier : Vive l’Empereur ! de toutes mes forces ; puis j’entrai dans la grande rue de Kaya par une allée entre deux vieilles maisons. J’étais l’un des premiers, et j’aperçus encore des gens du village, hommes, femmes, enfants, qui se dépêchaient d’entrer dans leurs caves.

Plusieurs personnes auxquelles j’ai raconté cela m’ont fait des reproches d’avoir couru si vite,