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de marine tenaient là comme des murs. Toute la plaine ne formait qu’un nuage, où l’on voyait étinceler les casques, les cuirasses et les lances par milliers.

De notre côté, nous reculions toujours, quand tout à coup quelque chose passa devant nous comme le tonnerre : c’était le maréchal Ney ! il arrivait au grand galop, suivi de son état-major.

Je n’ai jamais vu de figure pareille ; ses yeux étincelaient, ses joues tremblaient de colère ! En une seconde il eut parcouru toute la ligne dans sa profondeur, et se trouva sur le front de nos colonnes. Tout le monde le suivait comme entraîné par une force extraordinaire ; au lieu de reculer, on marchait à la rencontre des Prussiens et dix minutes après tout était en feu. Mais l’ennemi tenait solidement ; il se croyait déjà le maître et ne voulait pas lâcher la victoire ; d’autant plus qu’il recevait toujours du renfort, et que nous autres nous étions épuisés par cinq heures de combat.

Notre bataillon, cette fois, se trouvait en seconde ligne, les boulets passaient au-dessus ; mais un bruit bien pire et qui me traversait les nerfs, c’était le grelottement de la mitraille dans les baïonnettes : cela sifflait comme une espèce