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table de cuisine ; ensuite il dit, en nous montrant la porte de la rue :

« Voici notre retraite. »

Après cela, nous montâmes au premier, dans une assez grande chambre qui formait le coin au pied de la côte ; elle avait deux fenêtres sur le village et deux autres sur la colline toute couverte de fumée, où continuaient de pétiller les feux de file et de rouler le canon. Au fond, dans une alcôve, se trouvait un lit défait, et devant le lit un berceau ; les gens s’étaient sauvés sans doute au commencement de la bataille ; mais un chien a grosse queue blanche, oreilles droites et museau pointu, à moitié caché sous les rideaux, nous regardait les yeux luisants : tout cela me revient comme un rêve.

Le sergent venait d’ouvrir une fenêtre, et tirait déjà dans la rue, où s’avançaient deux ou trois hussards prussiens, parmi des tas de charrettes et de fumier ; Zébédé et les autres, debout derrière lui, observaient, l’arme prête. Je regardai sur la côte, pour voir si le carré tenait toujours et je l’aperçus à cinq ou six cents pas, reculant en bon ordre, et faisant feu des quatre côtés sur la masse de cavaliers qui l’entouraient. À travers la fumée, je voyais le colonel, un gros court, à cheval au milieu, le sabre à la main, et, tout près de lui, le drapeau tellement