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et le vieux sergent Pinto ne finissait pas de crier : « Hardi ! mes enfants, hardi ! »

Je n’ai jamais pu me figurer comment nous sortîmes de là, nous marchions au hasard dans la fumée, nous tourbillonnions au milieu des coups de fusil et des coups de sabre. Tout ce que je me rappelle, c’est que Zébédé me criait à chaque instant : « Arrive ! arrive ! » et que finalement nous fûmes dans un champ en pente derrière un carré qui tenait encore, avec le sergent Pinto et sept ou huit autres de la compagnie.

Nous étions faits comme des bouchers !

« Rechargez ! » nous dit le sergent.

Et alors, en rechargeant, je vis qu’il y avait du sang et des cheveux au bout de ma baïonnette, ce qui montre que, dans ma fureur, j’avais donné des coups terribles.

Au bout d’une minute, le vieux Pinto reprit :

« Le régiment est en déroute… ces gueux de Prussiens en ont sabré la moitié… Nous le retrouverons plus tard… Pour le moment il faut empêcher l’ennemi d’entrer dans le village.-- Par file à gauche, en avant, marche ! »

Nous descendîmes un petit escalier qui menait dans un jardin de Klein-Gorschen, et nous entrâmes dans une maison, dont le sergent barricada la porte du côté des champs avec une grande