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fond du vallon les Prussiens criaient tous ensemble : « Faterland ! Faterland ! »

Leurs feux de bataillon, en grimpant la colline, nous couvraient de fumée, parce que le vent soufflait de notre côté, ce qui nous empêchait de les voir. Malgré cela, nous avions commencé nos feux de file. On ne s’entendait et l’on ne se voyait plus depuis au moins un quart d’heure, quand tout à coup les hussards prussiens furent dans notre carré. Je ne sais pas comment cela s’était fait, mais ils étaient dedans, et tourbillonnaient à droite et à gauche en se penchant sur leurs petits chevaux, pour nous hacher sans miséricorde. Nous leur donnions des coups de baïonnette, nous criions, ils nous lâchaient des coups de pistolet ; enfin c’était terrible.-- Zébédé, le sergent Pinto et une vingtaine d’autres de la compagnie, nous tenions ensemble.-- Je verrai toute ma vie ces figures pâles, les moustaches allongées derrière les oreilles, les petits shakos serrés par la jugulaire sous leurs mâchoires, les chevaux qui se dressent en hennissant sur des tas de morts et de blessés. J’entendrai toujours les cris que nous poussions, les uns en allemand, les autres en français ; ils nous appelaient : « Schweinpelz ! »