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à Weissenfels : cela ne finissait pas ! Ils avaient sur cette côte une trentaine de grosses pièces ; on peut s’imaginer d’après cela quels trous ils faisaient. Les boulets sifflaient tantôt en l’air, tantôt dans les rangs, tantôt ils entraient dans la terre, qu’ils rabotaient avec un bruit terrible.

Nos canons tiraient aussi d’une manière qui vous empêchait d’entendre la moitié des sifflements et des ronflements des autres, mais cela ne servait à rien, et d’ailleurs, ce qui vous produisait le plus mauvais effet, c’étaient les officiers qui vous répétaient sans cesse : « Serrez les rangs ! serrez les rangs ! »

Nous étions dans une fumée extraordinaire sans avoir encore tiré. Je me disais : « Si nous restons ici un quart d’heure, nous allons être massacrés sans pouvoir nous défendre ! » ce qui me paraissait terriblement dur, quand tout à coup les premières colonnes des Prussiens arrivèrent entre les deux collines, en faisant une rumeur étrange, comme une inondation qui monte. Aussitôt les trois premiers côtés de notre carré, celui de face, et les deux autres en obliquant à droite et à gauche, firent feu. Dieu sait combien de Prussiens restèrent dans ce creux ! Mais, au lieu de s’arrêter, leurs camarades continuèrent à monter, en criant comme des