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« Oui, répondit le sergent, car on va se serrer de près, et, supposons que dans la mêlée on voit un colonel, un canon, un drapeau, quelque chose qui nous donne dans l’œil, on saute dessus à travers les coups de baïonnette, de sabre, de refouloir ou de n’importe quoi ; on l’empoigne, et, si l’on en revient, on est proposé. »

Pendant qu’il disait cela, l’idée me vint que le maire de Felsenbourg avait reçu la croix pour avoir amené son village, dans des voitures entourées de guirlandes, à la rencontre de Marie-Louise, en chantant de vieux lieds, et je trouvai sa manière d’avoir la croix bien plus commode que celle du sergent Pinto.

Je n’eus pas le temps d’en penser davantage, car on battait le rappel de tous les côtés ; chacun courait aux faisceaux de sa compagnie et se dépêchait de prendre son fusil. Les officiers vous rangeaient en bataille, des canons arrivaient au grand galop du village, on les plaçait au haut de la colline, un peu en arrière, pour que le dos de la côte leur servît d’épaulement. Les caissons arrivaient aussi.

Et plus loin, dans les villages de Rhana, de Kaya, de Klein-Gorschen, tout s’agitait ; mais nous étions les premiers sur lesquels devait tomber cette masse.