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braise et la mit sur sa pipe, puis il me dit :

« Eh bien, fusilier Bertha, nous sommes donc à l’arrière-garde, maintenant ?

Je ne comprenais pas bien ce qu’il entendait par là.

« Ça t’étonne, conscrit ? fit-il ; c’est pourtant assez clair : nous n’avons pas bougé, nous autres, mais l’armée a fait demi-tour ; elle était là, hier, devant nous, sur le Rippach ; à cette heure elle est derrière nous, près de Lutzen : au lieu d’être en tête, nous sommes en queue. »

Et clignant de l’œil d’un air malin, il tira deux ou trois grosses bouffées de sa pipe.

« Et qu’est-ce que nous y gagnons ? lui dis-je

— Nous y gagnerons d’arriver à Leipzig les premiers et de tomber sur les Prussiens, répondit-il. Tu comprendras ça plus tard, conscrit. »

Alors je me dressai pour regarder le pays, et je vis devant nous une plus grande plaine marécageuse, traversée par la Gruna-Bach et le Floss-Graben ; quelques petites collines s’arrondissaient au bord de ces cours d’eau, et au fond passait une large rivière, que le sergent me dit être l’Elster. Les brouillards du matin s’étendaient sur tout cela.

M’étant retourné, j’aperçus derrière nous, dans