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Nous n’étions pas les seuls en mouvement : tout marchait, partout on rencontrait des régiments en route, des détachements de cavalerie, des lignes de canons, des convois de poudre et de boulets, et tout cela s’avançait vers Erfurt, comme, après une grande averse, des milliers de ruisseaux vont par tous les chemins à la rivière.

Nos sergents se disaient entre eux : « Nous approchons… ça va chauffer ! » Et nous pensions : « Tant mieux ! Ces gueux de Prussiens et de Russes sont cause qu’on nous a pris ; s’ils étaient restés tranquilles, nous serions encore en France ! »

Cette idée nous donnait de l’aigreur.

Et puis partout on trouve des gens qui n’aiment qu’à se battre : Klipfel et Zébédé ne parlaient que de tomber sur les Prussiens, et moi, pour n’avoir pas l’air moins courageux que les autres, je disais aussi que cela me réjouissait.

Le 8 avril, le bataillon entra dans la citadelle d’Erfurt, une place très forte et très riche. Je me souviendrai toujours qu’au moment où l’on faisait rompre les rangs sur la place, devant la caserne, le vaguemestre remit un paquet de lettres au sergent de la compagnie. Dans le nombre, il s’en trouvait une pour moi. Je reconnus