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et voilà pourquoi vous n’aviez pas affaire aux peuples, mais à leurs maîtres. Aujourd’hui, c’est bien différent ; toute l’Allemagne va marcher, toute la jeunesse va se lever, et c’est nous qui parlerons de Liberté, de Vertu, de Justice à la France. Celui qui parle de ces choses est toujours le plus fort, parce qu’il n’a contre lui que les gueux de tous les pays, et parce qu’il a pour lui la jeunesse, le courage, les grandes idées, tout ce qui vous élève l’âme au-dessus de l’égoïsme, et qui vous fait sacrifier la vie sans regret. Vous avez eu cela longtemps, mais vous n’en avez plus voulu. Vos généraux, dans le temps, je m’en souviens, se battaient pour la Liberté, ils couchaient sur la paille, dans les granges, comme de simples soldats : c’étaient de terribles hommes ! Maintenant, il leur faut des canapés, ils sont plus nobles que nos nobles et plus riches que nos banquiers. Cela fait que la guerre, la plus belle chose autrefois — un art, un sacrifice, un dévouement à la patrie --, est devenue un métier, qui rapporte plus qu’une boutique. C’est toujours très noble, puisqu’on porte des épaulettes ; mais il y a pourtant une différence entre se battre pour des idées éternelles et se battre pour enrichir sa boutique.

« Aujourd’hui, c’est notre tour de parler de Liberté,