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eux, pendant que nous grimpons ici dans la neige.

— Toi, tu ne regardes pas la gloire, faisait-il ; c’est pourtant quelque chose, la gloire. »

Et je lui répondais :

« La gloire est pour d’autres que pour nous, Zébédé ; ceux-là vivent bien, mangent bien et dorment bien. Ils ont des danses et des réjouissances, comme on le voit dans les gazettes, et, par-dessus le marché, la gloire, quand nous l’avons gagnée à force de suer, de jeûner et de nous faire casser les os. Les pauvres diables comme nous, qu’on force de partir, lorsqu’ils rentrent à la fin, après avoir perdu l’habitude du travail et quelquefois un membre, n’ont pas beaucoup de gloire. Bon nombre de leurs anciens camarades qui ne valaient pas mieux qu’eux, et qui travaillaient même moins bien, ont gagné de l’argent pendant les sept ans, ils ont ouvert une boutique, ils ont épousé les amoureuses des autres, ils ont eu de beaux enfants, ils sont des hommes posés, des conseillers municipaux, des notables. Et, quand ceux qui reviennent de chercher de la gloire en tuant des hommes, passent avec leurs chevrons sur le bras, ils les regardent par-dessus l’épaule, et, si par malheur ils ont le nez rouge à force d’avoir bu de l’eau-de-vie pour se remonter le cœur dans