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« Vous avez mal aux pieds ?

— Oui, depuis trois jours.

— Eh bien, ôtez vos souliers, fit-elle, et mettez ces sabots. Je reviens. »

Elle laissa sa chandelle sur la table et redescendit. J’ôtai mon sac et mes souliers ; j’avais des ampoules, et je pensais : « Mon Dieu… mon Dieu… peut-on souffrir autant ? Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux être mort ? »

Cette idée m’était venue cent fois en route, mais alors, auprès de ce bon feu, je me sentais si las, si malheureux, que j’aurais voulu m’endormir pour toujours, malgré Catherine, malgré la tante Grédel, M. Goulden et tous ceux qui me souhaitaient du bien. Oui, je me trouvais trop misérable !

Tandis que je songeais à ces choses, la porte s’ouvrit, et un homme grand, fort, la tête déjà grise, entra. C’était un de ceux que j’avais vus travailler en bas. Il avait mis une chemise et il tenait dans ses mains une cruche et deux verres.

« Bonne nuit ! » dit-il en me regardant d’un air grave.

Je penchai la tête. La vieille entra derrière cet homme ; elle portait un cuveau de bois, et le posant à terre près de ma chaise :

« Prenez un bain de pieds, me dit-elle, cela vous fera du bien. »