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« Nous avons encore vingt minutes pour lever le pied. »

Et, me lançant un coup d’œil :

« Ne manquons pas au premier appel, jeune homme », fit-il en serrant la main de M. Goulden.

Il sortit ; on entendait son cheval piaffer à la porte.

Le temps était gris, la tristesse m’accablait, je ne pouvais lâcher Catherine.

Tout à coup le roulement commença ; tous les tambours s’étaient réunis sur la place. M. Goulden, prenant aussitôt le sac par ses courroies, sur la table, dit d’un ton grave :

« Joseph ; maintenant embrassons-nous… il est temps. »

Je me redressai tout pâle, il m’attacha le sac sur les épaules. Catherine, assise, la figure dans son tablier, sanglotait. La mère Grédel, debout, me regardait les lèvres serrées.

Le roulement continuait toujours ; subitement il se tut.

« L’appel va commencer », dit M. Goulden en m’embrassant, et tout à coup son cœur éclata ; il se mit à pleurer, m’appelant tout bas son enfant et me disant :

« Courage ! »

La mère Grédel s’assit ; comme je me baissais