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grand bonheur aurait été de te conserver comme un fils, car j’ai trouvé dans toi le bon cœur et le bon esprit d’un honnête homme ; je t’aurais cédé mon fonds… nous aurions été bien ensemble… Catherine et toi vous auriez été mes enfants… Mais, puisqu’il en est ainsi, résignons-nous. Tout cela n’est que pour un peu de temps ; tu seras réformé, j’en suis sur : on verra bientôt que tu ne peux pas faire de longues marches. »

Tandis qu’il parlait, moi, la tête sur les genoux, je sanglotais tout bas.

À la fin, il se leva et sortit de l’armoire un sac de soldat en peau de vache, qu’il posa sur la table. Je le regardais tout abattu, ne songeant à rien qu’au malheur de partir.

« Voici ton sac, dit-il, j’ai mis là-dedans tout ce qu’il te faut : deux chemises de toile, deux gilets de flanelle et le reste. Tu recevras deux chemises à Mayence, c’est tout ce qu’il te faudra ; mais je t’ai fait faire des souliers, car rien n’est plus mauvais que les souliers des fournisseurs ; c’est presque toujours du cuir de cheval, qui vous échauffe terriblement les pieds. Tu n’es pas déjà trop solide sur tes jambes, mon pauvre enfant ; au moins que tu n’aies pas cette douleur de plus. Enfin voilà… c’est tout. »