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LE JUIF POLONAIS.


Allons ! s’écria Niclausse, arrive ! (Page 29)

mathis. — Oui… je ferai le coup !… je risque… je risque…

le songeur. — Parlez !

mathis. — Il faut pourtant que je voie… Je sors… Tout est noir… il neige toujours… on ne verra pas mes traces dans la neige. (Il lève la main et semble chercher quelque chose.)

le songeur. — Que faites-vous ?

mathis. — Je tâte dans le traîneau… s’il y a des pistolets !… (Les juges se regardent, mouvement dans l’auditoire.) Il n’a rien… je ferai le coup… oui !… (Il écoute.) On n’entend rien dans le village… L’enfant d’Anna Wéber pleure… Une chèvre bêle dans l’étable… Le Polonais marche dans la chambre.

le songeur. — Vous rentrez ?

mathis. — Oui. Il a mis six francs sur la table ; je lui rends sa monnaie. Il me regarde bien. (Silence.)

le songeur. — Il vous dit quelque chose ?

mathis. — Il me demande combien jusqu’à Mutzig ?… Quatre petites lieues… Je lui souhaite un bon voyage… Il me répond : Dieu vous bénisse ! (Silence.) Ho ! ho ! (La figure de Mathis change.)

le songeur. — Quoi !

mathis, bas. — La ceinture ! (Brusquement, d’une voix sèche.) Il sort… il est sorti !… (Mathis, en ce moment, fait quelques pas les reins courbés ; il semble suivre sa victime à la piste. Le Songeur lève le doigt, pour recommander l’attention aux juges. — Mathis étendant la main.) La hache !… où est la hache ! Ah ! ici, derrière la porte. — Quel froid ! la neige tombe… pas