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LES BOHÉMIENS


Les Bohémiens.

III

Or durant tout ce jour il avait fait très-chaud, et vers le soir, au moment où l’on ramenait les bohémiens, de petits coups de vent tiède répandaient les mille odeurs de la forêt sur la plaine. C’est toujours un signe d’orage, surtout quand les arbres frissonnent, que les feuilles s’agitent, et que les hautes grives se taisent avant les dernières lueurs du crépuscule.

Malgré cela, comme les nuages s’élevaient en Lorraine, et qu’ils avaient du chemin à faire pour dépasser les cimes du Réeberg, l’orage ne s’étendit sur Hirschland qu’entre minuit et une heure, lorsque tout le monde dormait.

Depuis quelques instants Hans Lœrich, couché près de sa femme au fond de l’alcôve, entendait à travers son sommeil un grincement bizarre. C’était la porte de l’allée donnant sur la cour, que l’on avait oublié de fermer : le vent la balançait doucement. Ce bruit continuel, au milieu du silence, éveilla le maire.

« Bével, dit-il, tu n’entends rien ?

— Si, c’est la porte de l’allée ; il fait du vent.

— On devrait pourtant fermer les portes quand on va se coucher, dit Lœrich de mauvaise humeur. »