Page:Erckmann-Chatrian - Contes et romans populaires, 1867.djvu/556

Cette page a été validée par deux contributeurs.
LA MAISON FORESTIÈRE.

Seigneur Dieu, père des bons cœurs.


Landau, année 1409. » Et sur une autre page on voyait le portrait de Vittikâb, farouche, une espèce de pot de fer sur la tête, avec un bec qui lui descendait depuis le front jusqu’au bas du nez. Rien qu’à le voir, on pensait : Celui-ci méritait d’être écorché vif ; c’était le plus grand gueux de la terre. »

En ce moment, le père Frantz, devenu pâle d’indignation, alluma gravement sa pipe à la chandelle ; il avait les paupières baissées, et attendait que le tabac fût bien allumé ; une pensée triste assombrissait son front. Moi, je le regardais tout rêveur. Enfin, il remit la chandelle au milieu de la table et poursuivit :

« Maintenant, je suis forcé de vous dire que, dans le nombre des gens de Vittikâb, était mon sept ou huitième grand-père. Cela me fait de la peine chaque fois que j’y pense ; j’aimerais mieux descendre d’un de ces misérables paysans qui, pendant des siècles, ont souffert les injustices et les barbaries de gueux pareils ; car cela m’attendrirait sur le sort de mes ancêtres, au lieu que je suis forcé d’en rougir. Comme je ne peux rien y changer, je considère cela comme une punition de mon orgueil, si j’étais capable d’en avoir ; mais vous savez bien, monsieur Théodore, que je n’en ai pas, et que je tiens seulement à l’honneur de mon grade, comme tout homme doit y tenir, lorsqu’il l’a mérité.

Ce Honeck donc était grand veneur du Veierschloss. Si vous passez demain près du lac des Comtes-Sauvages, vous verrez les ruines du château ; c’est un grand tas de