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LA MAISON FORESTIÈRE.

« Je suis garde-chef, monsieur Théodore. » (Page 14.)


pas rester dans la maison d’un pauvre forestier, ça devrait aller dans un château, je vous le dis.

— Oh ! père Frantz, vous vous enthousiasmez trop.

— Non, monsieur Théodore, non ; ce n’est pas la première fois que je vois de la peinture ; j’en ai vu dans tous les pays : en France, en Allemagne, en Italie, dans les Flandres ; seulement alors j’étais jeune, je ne faisais guère attention à ces choses. Maintenant, cela me revient. Je me rappelle que les peintures des Flamands me plaisaient beaucoup plus que les autres ; au moins elles représentaient des choses de notre temps : des kermesses, des combats de coqs, des chasses, des danses au village, des bourgmestres ; on voyait la maison, le bout de haie, avec le linge de la ménagère étendu au soleil, le pigeonnier, le jeu de quilles, le cheval gris qui mâche sa pitance à la porte de l’auberge, le chemin qui tourne, les femmes en train de faire rouir le chanvre : cela vous réjouissait le cœur. Quel dommage que ces gens-là n’aient pas connu la montagne ! comme ils auraient peint les rochers, les vallons, les bois, les torrents, les sentiers ! mais ils n’avaient que des moulins à vent et des mares à canards sous les yeux, et par-ci, par-là quelques vaches dans un carré de prairie, avec un vieux saule creux et un ruisseau à grenouilles au bord de la route.

Et en Italie, monsieur Théodore, ils ne peignent que des saints et des saintes, le petit enfant Jésus dans la crèche et l’âne auprès.